"Mesdames, Messieurs,

Par cette déclaration solennelle je veux aujourd’hui adresser un message aux Français sur la situation en Ukraine.

Une nouvelle fois, le spectre de la guerre se fait jour aux portes de l’Europe.

La reconnaissance par la fédération de Russie des Républiques autoproclamées séparatistes de Donetsk et de Lougansk, ainsi que l'envoi de troupes dites de « maintien de la paix » dans l’Est du pays constituent un acte d'agression inédit à l’égard de l’Ukraine, pays allié et ami.

A toute heure désormais, nous devons nous attendre à une possible invasion de la République Ukrainienne par la Russie dans le but de sanctuariser sa présence.

Il ne s’agit pas seulement de la rupture des engagements internationaux durement consentis à Minsk. Il s’agit d’une négation pure et simple du principe de souveraineté, et la porte ouverte à toutes les agressions territoriales qui ne manqueront pas de survenir par la suite.

Cette remise en cause d’une exceptionnelle gravité de la sécurité de notre continent ne doit pas rester sans réponse.

Les conséquences de cette agression ne sont pas seulement politiques : il faut s’attendre à une augmentation importante des prix de l’énergie, qui frapperont directement au portefeuille des Français, mettront en difficulté les classes moyennes et populaires, ralentiront notre activité économique.

Dans ces temps troublés, je veux dire le nécessaire sentiment d’unité, nationale et européenne, qui doit nous animer.

Je ne manquerai pas de faire savoir mes divergences avec le président Macron, mais je veux toutefois dire ici que lorsque l’essentiel est en jeu, notre pays doit faire face, armé de l’unité des femmes et des hommes d’Etat qui connaissent les contraintes de l’exercice de pouvoir et savent se mettre à la hauteur de la gravité du moment.

L’agression commise par la Fédération de Russie doit être analysée pour ce qu’elle est : le dernier acte d’un nationalisme de puissance.

Des manifestations de la place Maydan de 2014 à l’agression territoriale de 2022 se déroule un inexorable mouvement dont on pouvait malheureusement prévoir le dénouement.

L’annexion inacceptable de la Crimée en mars 2014 et l’absence de respect des accords de Minsk laissait entrevoir l’objectif du président Poutine : celui d’une intégration pure et simple, par la violence, des régions du Donbass dans la fédération de Russie.

Ce conflit a déjà fait près de 13 000 morts et 1 million de déplacés J’ai une pensée pour ces femmes et ces hommes victimes de cette guerre d’ingérence et d’usure.

Au cœur des vues du président Poutine réside l’idée, réaffirmée lundi à la presse, de l’inexistence historique de l’Ukraine, qui ne serait qu’une province créée artificiellement par la Russie soviétique en la départissant de son territoire.

Ce raisonnement sans fin, historiquement biaisé, ne peut que mener à d’autres annexions, si l’on se réfère à la carte des conquêtes de l’empire Russe, qui se sont étendues jusqu’à la Finlande, intégrée à l’empire de Russie en 1809, ou l’Alaska, vendue aux Etats-Unis en 1867.

Je ne méconnais pas la situation qui a prévalu à la fin de la guerre froide.

Des opportunités ont sans doute été ratées. A la vision du président Mitterrand, qui souhaitait inclure la Russie dans une confédération européenne, s’est opposée celle des Américains, et l’OTAN est demeurée à peu de choses près la structure conçue pour faire face au pacte de Varsovie, pourtant dissout.

Le refus américain de proposer de nouveaux formats d’intégration pour cette « autre Europe » n’a pas permis de trouver cette organisation commune et permanente d’échanges, de paix et de sécurité, souhaitée par le Président Mitterrand.

Toutefois, et je le dis avec force, toutes les explications du monde ne peuvent, quoi qu’il en soit, justifier l’injustifiable, expliquer l’inexplicable.

Légitimement instruits par le comportement du président russe, ressuscitant la doctrine Brejnev de la « souveraineté limitée », usant de tous les moyens, y compris numériques pour imposer ses vues, il n’est pas étonnant que les peuples agressés se retournent vers l’ouest et l’OTAN pour protéger leur indépendance.

J’observe avec la plus grande des inquiétudes dans notre pays, et je le regrette, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche des responsables politiques qui trouvent en toutes circonstances des excuses à Vladimir Poutine.

L’extrême-droite française, de concert avec Jean-Luc Mélenchon, oubliant de condamner l’agression de Poutine, se relaie pour dénoncer la prétendue atteinte de l’OTAN à la sécurité russe.

Personne ne peut sérieusement soutenir que les pays d’Europe centrale, avec les Occidentaux, nourrissent un quelconque projet d’agression envers la Russie. Chacun comprend, au contraire, qu’ils veulent d’abord sauvegarder leur autonomie.

Le Pen, Zemmour, Mélenchon, renversent les rôles et se font les complices des nationalistes agressifs et des impérialistes.

Il faut dénoncer ces discours qui n’ont que pour but de transformer des agresseurs en agressés.

Ces derniers ont l’audace de se réclamer du « gaullo-mitterrandisme ». La France n’a jamais été un pays non-aligné, comme l’Inde ou l’Afrique du Sud.

Ni le général de Gaulle, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac n’ont démenti notre appartenance à l’Alliance atlantique, qu’ils ont contribué à renforcer, ce qui ne les a jamais empêchés d’exprimer cette voix singulière dans le concert international.

Le destin d’une grande nation comme la nôtre n’est pas de se taire face à l’impérialisme, quel qu’il soit.

Si l’Europe est aujourd’hui en danger, c’est parce qu’elle n’a montré que faiblesse depuis le début du conflit.

Vladimir Poutine estime avec constance que les pays européens sont incapables d’autonomie stratégique à l’égard des États-Unis.

La facilité de l’intervention russe en Ukraine prend appui sur nos faiblesses. Qu’ont dit les européens sur l’absence de respect des accords de Minsk, y compris sur l’autonomie du Donbass ?

Qu’ont-ils fait au moment du retrait de Washington du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) en février 2019, mettant directement en cause notre sécurité ?

Rien, ou si peu.

Les discours du président Macron, n’ont été qu’une succession de mises en scène et n’ont fait qu’affaiblir la crédibilité de sa parole. Emmanuel Macron ne peut aujourd’hui se satisfaire d’aucune avancée concrète dans la construction européenne.

Que dire enfin de l’étonnant maintien de la présidence Française du Conseil de l’Union Européenne pendant la période électorale, quand il était possible de la différent d’un an en raison de la tenue des élections présidentielle et législative.

Il est plus que jamais temps de solidifier une politique européenne de sécurité et de défense, prenant appui sur un mécanisme de coordination et de décision commune. C’est dans la crise que l’Europe se construit. Présidente de la République, je prendrai une initiative dès avril prochain en ce sens.

Je suis favorable aux premières sanctions européennes en cours d’adoption. L’unité de l’Europe est fondamentale. Toutefois ces sanctions ne seront pas suffisantes, et ne peuvent être qu’un préalable à un dialogue politique approfondi entre l’Union européenne et la Fédération de Russie, car cette crise risque de durer.

Il faut enfin réaffirmer le multilatéralisme, que la France doit défendre, et le rôle central du conseil de sécurité des nations unies.

Je veux enfin souligner que le cœur de cette crise, et cela n’est qu’imparfaitement rappelé dans les commentaires, réside dans la question énergétique et climatique.

Les nationalismes de puissance et revendications territoriales cachent bien souvent des objectifs inavoués qui relèvent du contrôle d’espaces stratégiques.

L’Ukraine est la première route de transit des hydrocarbures russes vers l’Europe. La Crimée, et le Donbass concentrent une partie significative de la production d’hydrocarbures et de minerais, la plupart des mines ukrainiennes se trouvant à l’Est du pays.

Vous remarquerez que la première sanction annoncée par l’Allemagne est celle de la suspension de l’autorisation du gazoduc Nord Stream II.

Prétendre résoudre le conflit Ukrainien ou assurer la sécurité de l’Europe sans diplomatie climatique nous condamne à l’impuissance programmée.

L’action climatique internationale sera le premier pilier de ma politique internationale.

Je ne peux que constater le retard pris par le président Macron sur ce sujet. Les engagements nationaux pour le climat n’ont même pas été atteints. Le quinquennat a été avant tout un mandat de déclarations et d’injonctions contradictoires.

Cependant, le dérèglement climatique, et avec lui ses catastrophes qui s’observent sur tous les continents, n’attendent pas la résolution de ces contradictions. 

Ce quinquennat devra donc être celui qui nous permet de contenir la hausse des températures à l’échelle mondiale. En ce sens, la France doit reprendre le leadership dans cette lutte.

Je proposerai un Sommet Paris+10, dix ans après le succès de la Cop21, pour rehausser les ambitions de tous les partenaires : Etats, organisations de la société civile, les acteurs de la finance et du secteur privé. Nous ne pouvons nous permettre d’attendre car les effets du dérèglement climatique déstabilisent déjà les Etats.

C’est bien en réduisant notre dépendance énergétique que nous rendrons la paix plus durable.

J’aurai enfin un mot pour les Français vivant en Ukraine, et dont le rapatriement est en cours. Un millier de nos compatriotes doivent rentrer sur notre sol, ainsi qu’une école française de près de 350 élèves.

Il apparaît que les vols, réduits et chers, ne permettent pas à l’ensemble des expatriés qui le souhaitent de pouvoir rentrer. L’Etat doit y remédier.

Nous allons ensemble, avec les collectivités, trouver des solutions pour héberger, scolariser et apporter le soutien psychologique nécessaire s’il y a lieu, en particulier aux enfants rapatriés. Que ces derniers soient assurés de mon soutien.

Mesdames, Messieurs,

Face aux désordres mondiaux, le rôle de la France, dans un continent européen troublé, est bien celui de défendre, comme le disait Jaurès, la promesse de l’universelle liberté et de l’universelle justice.

Cette conviction forte, je veux la partager avec vous aujourd’hui et forme le vœu que la France, un grand pays dont la parole est entendue, pèse de tout son poids pour garantir la paix, sur notre continent et partout dans le monde.

Je le rappelle en conclusion, dans ces temps troublés, l’unité nationale et l’unité européenne doivent nous animer et nous guider.

Je serai au rendez-vous de cette responsabilité.

Je vous remercie."


Mercredi 23 févier 2022

* Seul le prononcé fait foi *


🔴🇺🇦🤝 En solidarité avec le peuple ukrainien, la Fédération de Paris du PS appelle ses sympathisant•es, ses adhérent•es, ses responsables, ses élu•es à participer au Rassemblement ce samedi 26 février à 15h, Place de la République.
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