Discours prononcé par Jack Lang devant le Congrès réuni à Versailles
Dans le processus référendaire qui s’ouvre, l’Europe regarde notre pays. Depuis cinquante ans, la France a été en grande partie son inspiratrice, elle a conçu ses ambitions et a soutenu la plupart de ses réalisations. Faudrait-il renoncer, au moment où s’accomplit, même imparfaitement, voire très imparfaitement, un idéal que nous n’avons cessé de porter, à unir nos nations par un texte démocratique, social et laïque ?
Apprécions plutôt à sa juste mesure ce moment rare que nous avons le privilège de vivre ensemble : l’Europe se dote d’une architecture nouvelle, tandis que se referment les blessures de la guerre froide.
Pour les socialistes, cette avancée historique s’accomplit en pleine fidélité avec les principes de l’internationalisme. Au sein même de mon parti, l’ampleur du débat démocratique menée pendant trois mois a été à la mesure des enjeux. Quel qu’ait été leur vote individuel – et chacun mérite le respect – , les militants socialistes ont tous exprimé un même attachement aux valeurs communes de justice et de progrès.
Ce traité n’est pourtant qu’une étape. Il est le prélude à de nouvelles ambitions pour la France et pour l’Europe, à de nouveaux changements à entreprendre, ici et ailleurs. Le oui des socialistes est donc un oui de combat, pour la démocratie, pour le progrès social, pour la jeunesse et pour l’avenir.
Un combat pour la démocratie, cela va de soi. L’Europe, notre maison commune, est le plus solide rempart contre les barbaries et l’obscurantisme. Avec ce traité s’écrit une nouvelle page de la démocratie européenne. Puisse un jour cet élan démocratique conduire notre pays à entreprendre à son tour la rénovation de sa démocratie.
Un combat pour le progrès social, car l’ensemble des partis sociaux-démocrates européens et la confédération européenne des syndicats ont obtenu la reconnaissance par ce traité des droits sociaux, des services publics, de la diversité culturelle, du plein emploi, du développement durable. Avec la Charte des droits fondamentaux, c’est la première fois que se construit en droit international, à l’échelle d’un continent, un ordre normatif aussi ample. Faudrait-il faire la fine bouche ?
Mais là encore, ce n’est qu’une étape, une première victoire. Nous n’en resterons pas là. La feuille de route des futurs combats socialistes est claire : obtenir un traité social européen, une loi-cadre pour les services publics, un gouvernement économique, et puis, chaque jour, à chaque instant, mener la lutte contre le chômage, contre la précarité, contre la mondialisation sauvage. Et le jour venu, nous conduirons, ici et ailleurs, de puissantes politiques publiques, industrielles, scientifiques, pour redonner souffle à notre économie. Rien dans ce texte n’interdit à un gouvernement qui le veut, à l’Union européenne qui le voudrait, de mener des politiques de transformation sociale.
Notre oui est enfin un oui de combat de la jeunesse. Aux nouvelles générations qui doutent, l’Europe peut offrir des perspectives neuves, un vrai projet de civilisation, de nouvelles frontières intellectuelles et morales. Ce que nous avions engagé avec par exemple l’harmonisation européenne des diplômes ou les bourses de mobilité, nous devons l’amplifier : offrir à chaque jeune fille et à chaque jeune homme la chance de pouvoir vivre et de travailleur dans un autre pays. Des liens d’amitié ainsi créés naîtra ce vouloir vivre ensemble qui donnera à l’Europe politique l’âme qui lui manque encore. L’investissement intellectuel est le premier investissement économique et politique d’un pays ou d’un continent. Construire une Europe de l’intelligence, de la science et de la jeunesse : voilà un grand projet mobilisant les énergies des générations à venir.
Comment imaginer que notre pays puisse tourner le dos à l’Europe ? Le non serait une négation de nous-mêmes. Il reviendrait à effacer notre histoire, à briser ce que nous avons bâti depuis cinquante ans. La France a besoin de l’Europe. L’Europe a besoin de la France.
Alors, moins que jamais, nous ne devons abdiquer, renoncer, hésiter. Comme à chaque rendez-vous avec le peuple, c’est notre destin que nous mettons entre ses mains.
Le oui auquel nous l’invitons est certes un oui de raison, de bon sens et de responsabilité, mais c’est aussi un oui de cœur et d’espérance. L’Europe est une partie de nous-mêmes
Jack Lang pour le Groupe Socialiste
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